- PENG DEHUAI
- PENG DEHUAIPENG DEHUAI [P’ENG TÖ-HOUAI] (1898-1974)Né au Hunan, Peng Dehuai a une enfance misérable; il exerce divers petits métiers avant de s’engager dans les armées provinciales et il est emprisonné pour avoir attenté à la vie d’un gouverneur. En 1918, il reçoit un commandement qui va l’amener à participer à l’«expédition du Nord» des républicains contre les potentats septentrionaux (1926). Introduit par sa femme au mouvement révolutionnaire, il entre au Parti communiste chinois en 1928 et combat les nationalistes, avec Zhu De et Mao Zedong, retranchés dans les monts Jinggang.En 1930, quand Li Lisan, qui dirige le Parti communiste chinois, demande de concentrer les attaques sur les cités industrielles, Peng Dehuai prend Changsha, capitale provinciale du Hunan; l’échec de la «ligne Li Lisan» et la mise à l’écart de son initiateur l’obligent à reprendre le maquis hunanais, tandis que certains de ses hommes continuent à appliquer la stratégie de Li Lisan, jusqu’à leur arrestation par Mao Zedong (opposition de Futian). Peng Dehuai entre alors au conseil militaire et au comité central du gouvernement soviétique de Ruijin. Il participe à la Longue Marche et, à la suite de désaccords qui entraînent une dispersion des forces communistes, se retrouve avec le groupe Mao Zedong-Lin Biao; il conserve son commandement jusqu’à ce que Zhu De décide de joindre de nouveau ses troupes à celles de Mao Zedong.Après l’«incident de Xi’an», l’Armée rouge est intégrée dans l’armée nationale; Peng Dehuai la dirige alors sur le terrain avant de revenir à Yan’an, la capitale rouge, pour participer à la campagne de «rectification des tendances [non orthodoxes]» au sein de l’Armée rouge.Au VIIe congrès du P.C.C., en 1945, Peng Dehuai est admis au comité central du parti et, de 1948 à 1954, commande la Ire armée; celle-ci est alors un corps composé pour beaucoup de minorités ethniques kazakh, kirghiz, tatar, et se trouve stationnée en retrait, faiblement équipée en matériel.L’avènement de la République populaire lui donne diverses fonctions politiques. En octobre 1950, il dirige le «corps de volontaires chinois» qui entre en Corée et le 27 juillet 1953 signe l’accord de Panmunjon; il rentre triomphalement à Pékin où il ne tarde pas à devenir ministre de la Défense. Prenant rang parmi les dix maréchaux de Chine populaire en 1955, il conduit diverses missions en Europe de l’Est et, après le VIIIe congrès du P.C.C., assure des fonctions au bureau politique.Ce soldat très populaire et doté de hautes responsabilités est soudainement limogé et remplacé par Lin Biao à la Défense (1959). Deux motifs de sa mise à l’écart sont généralement avancés: ses critiques à l’égard du «grand bond en avant» et de ses implications, ainsi que sa conception professionnaliste de l’armée. En effet, lors de la conférence préparatoire à la VIIIe session plénière du congrès du P.C.C., Peng Dehuai a fait circuler un mémorandum mettant en accusation les méthodes du «grand bond en avant» et dénonçant tout particulièrement sa mise en place hâtive, la trop grande dispersion des investissements, l’ordre des priorités, autant de données qu’il considère comme des facteurs de déséquilibre nuisibles à l’édification économique. Plus graves sont les griefs qu’il développe contre l’«exaltation petite-bourgeoise», le «subjectivisme maoïste», l’ignorance des réalités objectives. Il ne semble pas que le maréchal fasse un procès politique ou idéologique de la ligne maoïste; il reprend plutôt des critiques émanant des paysans à propos des méthodes hâtives du «grand bond en avant». Ce mémorandum a d’ailleurs quelque effet, puisqu’un peu plus tard on reconnaîtra que des erreurs ont été commises, que des chiffres de production annoncés ont été gonflés et qu’il y a bien eu insuffisance d’approvisionnement en matières premières.La seconde critique de Peng Dehuai concerne l’armée: suivant en cela le modèle soviétique, il la veut professionnelle et dotée d’une technologie avancée; derrière lui, Luo Ruiqing, vice-ministre de la Défense, et d’autres généraux s’opposent à la conception milicienne de guérilla populaire préconisée par Lin Biao et Mao Zedong. En fait, la seconde critique n’est pas entièrement séparée de la première: il semble que certains éléments de l’A.L.P. aient été assez choqués de se voir dégagés de l’instruction militaire et assignés à des travaux civils (moissons, construction...).Remplacé par Lin Biao, Peng Dehuai se retire dans son Hunan natal, mais conserve la plupart de ses titres et ne paraît pas faire l’objet de sanctions. En 1961, Peng Dehuai, appuyé par plusieurs dirigeants, demande sa réhabilitation. Peu de temps après, l’historien Wu Han met en scène une pièce historique intitulée La Destitution de Hai Rui , qui fait suite à un précédent drame, Hai Rui semonce l’empereur , dans lequel un haut fonctionnaire des Ming connu pour sa probité critique ouvertement l’empereur au nom du peuple opprimé. Sous le couvert de l’histoire, un procédé traditionnel en Chine, l’allusion à Peng Dehuai est claire: Wu Han critique l’autoritarisme pernicieux et exalte le bien-fondé de la critique honnête.Or, c’est avec le désormais fameux article de Yao Wenyuan, «À propos de la pièce historique intitulée La Destitution de Hai Rui », que va naître officiellement la révolution culturelle prolétarienne. Ce réquisitoire, paru dans le quotidien shanghaïen Wen hui bao , contre Wu Han qui rouvre des dossiers anciens, est le signal de nouvelles attaques contre la pièce de théâtre, suivies de critiques personnelles et finalement de purges atteignant des amis du maréchal Peng Dehuai, tel Luo Ruiqing. Mais de Peng Dehuai lui-même, il sera peu question. Il a été réhabilité en décembre 1978.
Encyclopédie Universelle. 2012.